2 38 BÉRÉNICE.
Malheureux! Mais toujours la patrie et la gloire
Ont parmi les Romains remporté la victoire.
Je sais qu'en vous quittant le malheureux Titus
Passe l'austérité de toutes leurs vertus;
Qu'elle n'approche point de cet effort insigne:
Mais, madame, après tout, me croyez-vous indigne
De laisser un exemple à la postérité ,
Qui sans de grands efforts ne puisse être imité ?
BÉRÉNICE.
Non , je crois tout facile à votre barbarie :
Je vous crois digne, ingrat , de m'arracher la vie.
De tous vos sentimens mon cœur est éclairci.
Je ne vous parle plus de me laisser ici :
Qui ? moi, j'aurois voulu, honteuse et méprisée,
D'un peuple qui me hait soutenir la risée?
J'ai voulu vous pousser jusques à ce refus.
C'en est fait , et bientôt vous ne me craindrez plus.
N'attendez pas ici que j'éclate en injures ,
Que j'atteste le ciel, ennemi des parjures ;
Non : si le ciel encore est touché de mes pleurs,
Je le prie, en mourant, d'oublier mes douleurs.
Si je forme des vœux contre votre injustice ,
Si, devant que mourir, la triste Bérénice
Vous veut de son trépas laisser quelque vengeur ,
Je ne le cherche, ingrat, qu'au fond de votre cœur.
Je sais que tant d'amour n'en peut être effacée;
Que ma douleur présente, et ma bonté passée,
Mou sang qu'en ce palais je veux même verser,
Sont autant d'ennemis que je vais vous laisser ;
Et, sans me repentir de ma persévérance,
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