Page:Racine Œuvres complètes 1827 tome 2.djvu/216

Cette page n’a pas encore été corrigée

3o8 BÉRÉNICE.

Tant d'honneurs dont l'excès a surpris le sénat, Vous laissent-ils encor craindre le nom d'ingrat? Sur cent peuples nouveaux Bérénice commande.

TITUS.

Foibles amusemens d'une douleur si grande! Je connois Bérénice, et ne sais que trop bien Que son cœur n'a jamais demandé que le mien. Je l'aimai; je lui plus. Depuis cette journée, ( Dois-je dire funeste, hélas ! ou fortunée?) Sans avoir, en aimant, d'objet que son amour, Etrangère dans Rome, inconnue à la cour, Elle passe ses jours, Paulin, sans rien prétendre Que quelque heure à me voir, et le reste à m'attendre. Encor, si quelquefois un peu moins assidu Je passe le moment où je suis attendu , Je la revois bientôt de pleurs toute trempée : Ma main à les sécher est long-temps occupée. Enfin , tout ce qu'amour a de nœuds plus puissans , Doux reproches, transports sans cesse renaissans, Soin de plaire sans art, crainte toujours nouvelle, Beauté, gloire, vertu, je trouve tout en elle. Depuis cinq ans entiers chaque jour je la vois, Et crois toujours la voir pour la première fois. N'y songeons plus. Allons, cher Paulin: plus j'y pense, Plus je sens chanceler ma cruelle constance. Quelle nouvelle, ô ciel! je lui vais annoncer! Encore un coup, allons, il n'y faut plus penser. Je connois mon devoir, c'est à moi de le suivie : Je n'examine point si j'y pourrai survivre.

�� �