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, 9 i BÉRÉNICE.

Alliez-vous de mon cœur recevoir le tribut ;

Titus, pour mou malheur, vint, vous vit, et vous plut.

Il parut devant vous dans tout l'éclat d'un homme

Qui porte entre ses mains la vengeance de Rome.

La Judée en pâlit : le triste Antiochus

Se compta le premier au nombre des vaincus.

Bientôt, de mon malheur interprète sévère,

Votre bouche à la mienne ordonna de se taire.

Je disputai long-temps ; je fis parler mes yeux :

Mes pleurs et mes soupirs vous suivoient en tous lieux.

Enfin votre rigueur emporta la balance;

Vous sûtes m'imposer l'exil ou le silence.

Il fallut le promettre, et même le jurer :

Mais, puisqu'en ce moment j'ose me déclarer,

Lorsque vous m'arrachiez cette injuste promesse,

Mon cœur faisoit serment de vous aimer sans cesse.

BÉRÉNICE.

Ah! que me dites-vous?

ANTIOCHDS.

Je me suis tu cinq ans, Madame; et vais encor me taire plus long-temps. De mon heureux rival j'accompagnai les armes; J'espérai de verser mon sang après mes larmes, Ou qu'au moins, jusqu'à vous porté par mille exploits, Mon nom pourroit parler, au défaut de ma voix. Le ciel sembla promettre une fin à ma peine : Vous pleurâtes ma mort , hélas ! trop peu certaine. Inutiles périls! Quelle étoit mon erreur ! La valeur de Titus surpassoit ma fureur : Il faut qu'à sa vertu mou estime réponde.

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