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punit… Or, je ne suis pas coupable, sinon d’être moi, quelqu’un que tu as enfanté à ton image, Nature, un être aveugle s’en allant à tâtons vers sa destinée.

J’ai toujours été la proie d’une nuit de printemps et jamais je n’ai pu résister au corps invisible qu’elle me représente, qui embrase le mien, fait frémir, sous ma peau, ma chair et sous ma chair mes os qui me brûlent. Où est-elle donc, cette compagne insolente qui joue de moi, enflamme mes lèvres et me force à lui livrer tous les baisers, jamais rendus ? Est-ce une mère trop tendre, qui cherche à consoler le fils dont elle redoute les caresses, ou une amante désespérée qui poursuit, de son ombre, l’amant qui l’a trahie ?

Je suis arrivé devant le lac sans rencontrer personne. Je me rappelle les cygnes. Je vois celui qui s’estompait derrière la tête brune de Bouchette, cet hiver. Les cygnes dorment et bercent mon désir sous leur duvet irritant, la petite houppe à poudre de Bouchette qui leur fut arrachée. La merveille du ciel, bleu marine, se mire dans les reflets soyeux de l’eau, la rend profonde comme celle d’un océan. Quelle douceur ce serait d’aller aborder là-bas, dans l’île, de courir sous les saules où sa nudité pâle rendrait anxieux les grands oiseaux. Mais non, rien ! Tout est en rêve parce que jamais ne sonne l’heure de l’op-