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lui tendait sans s’en douter. Ils demeurèrent très surpris, très inquiets. Lilie se fâcha la première parce qu’elle comprenait mieux. Elle se redressa avec un laissez-moi ! qui aurait fait honneur à Mme Névasson. Elle parla de confiance, de dignité, et Bruno, anéanti, jura de ne plus recommencer ; du reste, il la considérait comme un ange ! Et il avait une telle nature, que, si on lui avait mis alors, de force, Lilie toute nue, dans les bras, il n’aurait plus osé. Eh bien, ce fut sa perte. Lilie aurait voulu qu’il recommençât, elle, à l’instant même ! Ô femme, éternelle torture de l’homme !

Bruno, son premier accès de délire calmé, ayant assez relu la lettre fatale, la comprenant, la sachant par cœur, se releva et se promena dans sa chambre à grands pas. Ainsi Mlle Lilie l’appelait « monsieur », elle se mariait, elle l’oubliait !… L’autre était bien ! il lui plaisait !… tout était fini. Il alla se mettre devant sa table et prit un rouleau du papier vert pâle, un reste de la tapisserie du cabinet de toilette de Mlle Fayor… ce que Bruno ignorait ; car il avait trouvé ce papier en rangeant une armoire, et le général, voyant son envie démesurée, le lui avait donné paternellement.

Bruno en coupa une petite rame avec soin, évitant de faire des hachures, assurant les ciseaux dans ses doigts tremblants. Il l’enveloppa et fit une adresse. « Elle voulait de ce papier, murmura-t-il, dévorant ses larmes, je tiendrai mes promesses, moi. »

Ce fut sa seule vengeance.

Puis il songea au collier. Il voulait jadis, dans son