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nono

Aux douces lueurs des étoiles, il voyait les cheveux de Renée se strier d’or à travers les mailles neigeuses de sa mantille de laine. Sa taille lui sembla plus haute, son cou moins flexible, et, dans son visage levé, ses prunelles lui parurent rayonner comme rayonne le regard des fous qui se souviennent. Derrière elle, s’étendaient, en s’abaissant, ou en remontant, les massifs embaumés des pelouses avec leurs allées pâles, leurs bancs de mousse, leurs bordures touffues. De capiteux parfums vagabondaient par les brises tièdes ; des senteurs de verveines et des senteurs de roses se mariaient cavalièrement à tous les coins de leurs routes aériennes pour se répandre ensuite en fumée odorante. Tombant du sommet de la roche, venaient de odeurs fraîches de verdures sauvages, et ce murmure mystérieusement confus que font les nids où quelques petits mal éclos ont des rêves agités sous l’aile de la mère.

Victorien se disait, la contemplant toujours, qu’une grande faiblesse se préparait pour eux. Il clignait les paupières, ayant des moiteurs dans les mains, et sans l’appeler, la voyait approcher malgré ses yeux fermés.

Renée se baissa. Elle prit, par terre, une chose lourde qu’elle brandit, soudain avec une force surhumaine et il y eut un choc métallique, sonore, vibrant un choc de marteau sur une enclume. C’était un outil de maçon que Renée Fayor soulevait.

Le pic soutenant la roche sauta en éraflant la pierre qui rendit des notes aiguës.

Alors, dans l’ombre, se passa un phénomène étrange