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bet qui ne disait rien, mais aussi il n’avait plus rien à dire, son rôle était terminé. La force armée serrait les rangs, selon l’expression du Sabreur ; difficulté peu sérieuse pour elle puisqu’elle ne se composait que de deux simples gendarmes.

Le père Sancillot promenait son œil matois de droite et de gauche :

— Je l’ai entendu comme je vous entends, messieurs, marmotait-il. Où est la maison de M. Bruno Maldas ? et il ajouta : Mon bon père ! Le malheureux ! Il me demandait sa fin. Alors je lui ai montré la maison de notre général… comme ça… en levant le bras de ce côté !…

Il levait, en effet, le bras au ciel en ôtant son bonnet de laine par respect pour la justice, que les paysans qui ont des vaches sans avoir de prairie respectent toujours beaucoup.

Le gamin, fier de sa récente trouvaille, expliquait comment, en conduisant au marché une truie et ses petits, il avait cherché des mûres sauvages le long des grilles du château. Entre deux fers de lances aiguës à ne pas oser y passer la main, il avait cueilli, au lieu d’un fruit noir, un morceau de drap gris.

— Heureusement que je sais lire, répétait le gamin, dont la tête intelligente contrastait avec les accrocs de sa blouse. J’ai compris tout de suite que le bouci était du paletot annoncé.

Quant à l’architecte, il se tenait à l’écart, trop plein de son sujet pour discuter avec le vulgaire.

La preuve morale qu’il avait apportée faisait vrai-