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grande chienne épagneule, suivait la traîne du peignoir qui ployait les herbes sèches ; miss Bell flairait ces herbes une à une, pensant peut-être que la douce odeur de verveine trahirait toujours le passage de sa maîtresse. Au sortir du parc, Renée respira, elle était tranquille, on ne l’avait pas aperçue. Elle se remit en route comme une simple pauvresse du pays.

Combien de temps marcha-t-elle au milieu des cailloux, des ronciers, des ornières, la belle duchesse ?

Elle n’aurait su le dire car le chemin lui était indifférent, et pas une fois elle n’avait daigné se retourner. Seulement elle sentait humides ses fins souliers ; le bord de sa robe secouait des perles, sa poitrine haletait.

Tout à coup, miss Bell leva la tête très haut, on était arrivé près d’un rideau d’arbustes, et le terrain déclinait lentement. La chienne s’arrêta net. Ses quatre pattes parurent s’incruster au sol, ses poils se hérissèrent, sa queue s’abaissa entre ses jambes, ses crocs se découvrirent.

— Qu’as-tu donc, bête folle ? » interrogea Renée s’arrêtant en frémissant, elle aussi. Bell répondit par un hurlement prolongé, un de ces mêmes cris horribles qu’elle avait poussé durant une nuit sinistre.

Renée lui ferma la gueule d’une main et de l’autre elle écarta avec rage les branches des arbres.

Alors, elle embrassa du regard une scène étrange qui fit se dresser, sur son front d’albâtre, ses légers cheveux blonds.