Page:Rachilde - Nono, 1885.djvu/288

Cette page a été validée par deux contributeurs.
280
nono

rait être semblable à lui ? Vierge de tous contacts amoureux ?… »

Elle connaissait l’assassin ! Oh ! comme il allait se défendre pour elle et pour lui.

On introduisit Bruno dans un cabinet sombre, meublé de cartons étiquetés. Le peu de lumière, filtrant à travers la serge des rideaux lui venait sur le visage et le forçait à clignoter des yeux. Le juge était assis devant un large bureau, couvert de papiers. Les gendarmes se retirèrent.

— Monsieur Maldas, dit poliment le magistrat, en feuilletant un cahier plein de notes, pourquoi avez-vous quitté Tourtoiranne aussi subitement ? Aviez-vous à vous plaindre du général Fayor ?

— Non, monsieur, répondit Bruno d’un accent altéré, je n’ai à me plaindre de personne.

— Alors pourquoi ce départ inopiné ? »

Bruno n’avait pas dormi, ses blessures, quoique peu profondes, s’étaient enflammées, il se sentait pris d’une fièvre qui le faisait trembler.

— Je vous demande la permission de m’asseoir, murmura-t-il.

— Faites, monsieur, faites, c’est un oubli de ma part ! dit le juge qui cessa tout à coup de feuilleter pour frapper sur un timbre. Le greffier arriva, mettant ses manches de lustrine et s’installa devant une page blanche, pour commencer ses transcriptions.

Sans trop savoir pourquoi, le juge avait compté sur les confidences de ce garçon qui lançait si bien les