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— Mais je vais vous manquer de respect, mademoiselle.

— Ce ne sera pas la première fois, monsieur !

— Cessons cette discussion, nous sommes indignes de nous-mêmes ! murmura Edmond de Pluncey en s’affaissant dans son fauteuil.

» Quand je pense que je vous ai aimée !…

— Que vous m’aimez encore !… duc. »

Il la regarda une seconde, pâle, les lèvres tremblantes.

— C’est vrai ! bégaya-t-il naïvement, et vous êtes à moi !

Elle éclata d’un rire strident qui sembla fuser du sabre clair du général.

— À vous ! à vous !… elle se leva à son tour. Du sombre nuage de ses dentelles noires, son buste cuirassé de satin parut se hausser comme un buste de fer, le ressort se détendit sous le velours, et la féline montra tout ce qu’il y avait de panthère dans son corps de chatte.

— Moi, dit-elle, je suis libre, car je n’ai jamais cédé à l’amour. »

Elle disait vrai. L’amour, elle avait eu le courage de le repousser avec Bruno, elle avait eu le courage de ne point se trouver digne de lui.

— Avez-vous touché mon cœur, durant votre ivresse, vous ? reprit-elle sèchement. Avez-vous senti mon rêve se réaliser sous votre étreinte ? Que pensait ma pensée ? Vous donnez-vous la peine, vous, le viveur dépravé, le blasé curieux de saisir autre chose qu’une sensation dans un cri ? Je suis belle, voilà à