Page:Rachilde - Nono, 1885.djvu/247

Cette page a été validée par deux contributeurs.
239
nono

Il prit, tour à tour, pour maîtresses, des Anglaises, des Belges, des Suédoises, des Portugaises ; par exemple, jamais d’Italiennes, son horreur du convenu lui faisait dire qu’une Italienne est une femme arrivée à tout le monde !

Il fit même un voyage au Bosphore et eut une aventure bizarre chez un padischah quelconque.

La confiture du sérail jouait un rôle dans cette aventure et le duc, qui n’était pas menteur, comme tous les gens de fine race, disait que ces houris sont souvent la terre promise, on y aspire beaucoup, mais on n’y… Bref, au demeurant, le meilleur fils du monde : très libertin, très naïf, très roué.

La femme mariée n’existait pas pour lui, et, au courant de son existence, on n’en eût pas relevé une seule. Cela tenait toujours à son horreur de l’homme.

Délicatement élevé, il ne craignait point le mal dont il ignorait l’existence. Sauf quelques égratignures d’épées novices, il ne se rappelait aucune souffrance à la surface de sa peau. Mais il se plaignait sans cesse. À l’entendre, on le tuait chaque fois qu’on fermait une porte, lui qui avait été témoin, lors de son excursion au Bosphore, du supplice de la plante des pieds sans qu’un de ses sourcils déviât d’une ligne. Que voulez-vous, il était ainsi fait ! Dans ses accès de spleen, il aurait pris pour cible le sein d’une belle fille, et, s’il ne l’avait pas déjà fait, c’est que par politesse il ne pouvait l’exhiber décolletée en face de ses gens qui accourraient infailliblement au bruit de la détonation.