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rieux recoins lui parurent devoir recéler une source. Elle pensa aussitôt que cette source serait charmante dans une vasque. Son imagination travailleuse recouvrit la vasque d’une coupole percée en étoiles, comme celle des thermes orientaux et immédiatement elle y ajouta des colonnettes ornées de stuc, un divan de satin broché, quelques romans du jour sur un guéridon arabe, un coussin pour miss Bell, le tout flanqué de hautes glaces.

En furetant parmi les décombres des caves de Tourtoiranne, caves qui avaient servi d’asile pendant les guerres de religion, elle avait découvert une statue de Diane, aux draperies rongées par les moisissures et un socle de vieux bronze aux armes de Mme Fayor. On mettrait la statue sur le socle, le socle sur une éminence de gazon, et on parviendrait à ce petit temple païen par des marches de granit rose. L’eau tomberait toujours dans la vasque blanche et s’écoulerait dans un ruisselet bordé de mimosas, pour aller se perdre ensuite le long de la petite vallée entourant la colline. Et enfin, le vieux Tourtoiranne, n’ayant pas eu jusqu’ici de salle de bain, l’occasion se présentait de combler une lacune regrettable.

Au déjeuner, ce matin-là, Mlle Renée avait communiqué son projet au général son père. Le général s’était monté la tête contre ce caprice de mauvais aloi. Puis, par un de ces brusques retours qui n’étonnaient plus personne, il avait déclaré que réellement il songeait à cela quand il examinait le paysage. Le général prétendait même que cette source pour-