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pourtant le plus fier des audacieux. Duc, approchez, je réponds de vous comme de moi… »

Elle lui tendit de nouveau la main.

— Mademoiselle…

— Approchez, vous dis-je !

— Tu veux épouser le duc de Pluncey, toi ? bégaya le général sortant de son étranglement.

— Sans doute, je l’aime !… »

Ces hommes immobiles trouvèrent que le fier audacieux se laissait un peu bien mener comme un collégien, parce qu’il faisait faire ses aveux par cette courageuse petite femme. Fayor, lui, se dressa gourmé, tâchant de reprendre sa raideur militaire et son allure supérieure. Il toisa le soupirant.

— Alors, si la folie va jusqu’aux aveux publics, je dois accorder ma fille les yeux fermés, elle ne transige point avec l’honneur, que je sache, et ce qu’elle a décidé doit être honorable pour un père tel que le général Fayor. Monsieur de Pluncey, soyez le bien venu !… »

Le duc approcha. Il avait son Lefaucheux en bandoulière. L’idée lui vint, atroce, de tirer dans le brandebourg gauche de ce beau-père improvisé. En une seconde, il passa par toutes les angoisses d’une situation ridicule, il pensa crier : « Votre fille est à moi, inutile de me la donner ! » — ou bien : « J’ai plus envie de me brûler la cervelle que d’épouser ce monstre ! »

Un instant, même, il faillit jurer comme le général, mais les jurons lui firent défaut. Alors il re-