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à me parler pour affaire grave ! Eh ! eh ! voici qui se corse, l’ennemi capitule avant ma victoire !

» Il a peur, il a peur !… ce paralytique flaire juste quand il flaire. Il paraîtrait même qu’un monsieur bien mis est arrivé de Montpellier ce matin, trois heures après mon discours… On se consulte, l’état-major est inquiet. À moins que ce soit ce polichinelle de candidat de la dernière minute qui vient de surgir, M. Crosnier, le républicain chaud… Comme si je n’étais pas chaud, moi… j’étouffe… Bruno ouvre ces fenêtres !… »

Bruno écarta les stores et on acheva le déjeuner dans le plus grand recueillement. Au dessert, Renée fit remarquer que le général coupait la nappe en y traçant ces plans, mais ce ne fut que la maîtresse de maison qui daigna se manifester, Renée paraissait redevenue sérieuse, très sérieuse.

Largess l’attendait dans le jardin avec la missive accoutumée du duc, roulée dans le cornet d’un arum gigantesque, rien qu’une fleur !… cela disait beaucoup. Mlle Fayor gagna la salle de bain en lisant.

C’était fort court, attendu que c’était le vingtième envoi sans réponse.

« Je suis à l’agonie. Je veux vous revoir, sinon j’intime à Largess l’ordre de mettre le feu à Tourtoiranne. C’est indigne. Vous vous jouez d’un honnête homme ! Vous êtes odieuse et adorable. J’attends !… »

Alors, Renée s’assit devant son petit guéridon et