Page:Rachilde - Nono, 1885.djvu/207

Cette page a été validée par deux contributeurs.
199
nono

En haut, tout en haut, perdu comme un lézard le long des poutres du toit, il y avait un spectateur qui trouvait sans doute nécessaire de planer pour juger l’effet d’une belle voix de commandement, et il s’était placé tellement haut, qu’il n’entendait qu’un son grêle.

Ce spectateur était venu le matin pour arranger la table, les papiers, les chaises ; il avait lui-même distribué les annonces et les invitations.

— Quel est ce jeune homme brun ? avait demandé un assistant arrivé une heure trop tôt,

— Le secrétaire de notre futur député, avait répondu un autre empressé, un chanceux… qui est du pays et qui fera fortune… le petit Bruno Maldas ! »

Bruno Maldas, rouge comme une fille, s’était sauvé, le cœur gros, car il savait au juste ce que valait sa fortune chez le futur député.

Sollicité par la brise tiède qui traversait une grande fente du chaume, il s’était mis à grimper les degrés branlants d’une échelle de meunier. Ses gants d’ordonnance, des gants blancs, étaient restés à toutes les saillies de la muraille et son chapeau, un chapeau noir, était roulé dans un dessous qu’il n’aurait jamais eu le temps de sonder.

Le général prenait la parole quand Bruno s’installa au bord du toit d’où il jouissait d’une vue splendide, pleine de soleil. Il se mit à sourire, lui qui ne souriait plus depuis huit jours.

Dans un enfoncement de foin moisi, une famille de rats se disputait une maigre provende : le corps