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nono

tille !… Alors, tu crois que cette voiture marche toute seule ?… »

La portière du cabinet se souleva, Renée entra un peu ranimée par sa course rapide en huit ressorts. Une réaction s’opéra en elle devant Nono, la plume à l’oreille, la mine confuse, une tache d’encre au front, les cheveux raides, encore hérissés par la recherche des idées que le général ne trouvait pas.

Elle se mit à rire de son rire railleur.

— Ah ! ça, d’où sors-tu ? La calèche ? Mélibar ? interrogea M. Fayor, furieux sans trop savoir pourquoi.

— Mon cher père, je sors d’un miracle ! La calèche, une citrouille prêtée par une bonne fée !… Mélibar m’a lancée contre un arbre et je m’étonne d’avoir encore la force de vous fournir ces explications. »

Elle se laissa glisser sur un fauteuil couvert de papiers.

— Diable !… Tu n’as pas employé les rênes du filet, dit le Sabreur s’adoucissant un peu.

— Il s’agit bien des rênes du filet ! » murmura Renée toujours riant, car ce gamin, avec sa tranquillité ahurie, n’avait pas l’air de se douter qu’elle venait de chercher la mort pour ne plus le revoir, lui, le petit secrétaire, sa plume à l’oreille, sa tache d’encre et ses cheveux hérissés.

— Oui, poursuivit-elle en barbouillant du bout de sa cravache une feuille du fameux discours. Un seigneur du voisinage m’a raccommodée et pensée… Un charmant seigneur, ma foi !…