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soins dont elle entourait son soyeux diadème n’arrivaient pas à donner à sa chevelure les reflets de velours que les vulgaires ciseaux maternels avaient fait jaillir de la tête fruste de Nono. Elle se sentit fatiguée de sa propre coquetterie, personnellement outragée de ses enlacements de couleuvre qu’elle n’avait appris que pour séduire. Elle eut honte d’elle-même se sentant fausse et lâche alors qu’elle s’étudiait, depuis ses premières années, à la sérénité et à la bravoure en face de l’opinion. Elle se crut moins coupable d’avoir tué un homme que de l’avoir jeté sous une pierre d’où ses plaintes ne sortaient plus, moins coupable d’avoir cédé à cet homme une fois que de lui avoir cédé deux fois, moins coupable d’avoir raillé la société que d’avoir vécu dans ses salons.

Il y avait le couvent pour les filles très nobles ou très perverties : cela est un refuge contre lequel les cris de la foule viennent se briser. Renée voyait dans un lointain mal défini une grille de fer forgé garnie de fleurs de lys, et derrière, d’autres fleurs de lys, pas en fer, hélas ! des fleurs de chair pâle s’épanouissant à l’ombre d’une draperie de deuil. On appelait ce lieu triste : les Dames de Montpellier. Renée y avait une arrière-cousine. Quand elle arrêtait sa voiture sur le sable très propre de la cour d’honneur de ce couvent, elle murmurait entre ses dents fines en lançant les rênes au groom : « Une balle serait préférable ! »

Certainement une balle est préférable tant que le cœur est vide, mais dès qu’on aime, tout ce qui per-