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nono

— C’est une maladie que j’ai, Nono. Je vois des fantômes qui menacent de m’écraser.

— Tu me permettras de revenir avec eux ?

— Non, tu es trop fou… tu bouleverses ma pauvre chambre… on dirait qu’on y a donné la chasse à une dizaine de loups enragés. »

Nono promena un coup d’œil confus.

— C’est ma foi vrai… tu me pardonnes ? »

Et il se mit à genoux avec une grâce charmante.

— Tu sais qu’il est minuit passé ?

— Ah ! c’est dommage… laisse-moi te demander encore une chose : ce collier que j’ai offert à Lilie, où l’as-tu donc acheté ? »

Elle alla prendre, sur un meuble, un écrin de velours bleu et le vida dans la crinière du lion.

— Quelle fortune ! » s’écria Nono ébloui. Il y avait la parure complète… triples rangs, bracelets, diadème : il frotta sa peau brune à ces petites boules blanches, éprouvant une visible satisfaction. Tout d’un coup pris d’une tristesse rêveuse :

— Si je mourais, je voudrais être entouré de tous ces bijoux, pour conserver dans mon cercueil les souvenirs du premier bonheur que tu m’as donné. Ces perles sont presque aussi douces que tes lèvres.

— Tu es lugubre, Nono… je te promets d’exécuter ta bizarre volonté… seulement le plus tard possible, n’est-ce pas ? »

Elle serra contre elle avec un frisson involontaire, la tête du jeune homme et elle le reconduisit vers la porte.