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nono

— Le papier à Lilie ! »

Renée joignit les mains :

— Tu voulais te tuer tout à l’heure, et voilà que tu t’occupes d’un papier quelconque ! »

Nono se jeta à son cou :

— Ne me gronde pas ! »

Puis il se leva pour vérifier si c’était vraiment le même.

En passant devant le lit, il envoya un salut moqueur à l’amour défiguré.

— Toi, fit-il, tu es aussi laid que moi, j’en suis bien aise ! »

Renée ferma les yeux. Elle eut l’exquise sensation d’une maternité qui lui serait venue sans souffrance, il lui sembla que son cœur s’ouvrait pour enfanter ce grand garçon brun, et elle l’aima, durant cette minute délicieuse, comme une mère aimerait un fils qu’elle serait condamnée à ne pas reconnaître.

— Veux-tu que je te le raccommode ton nègre demanda-t-il d’un air capable.

— Certainement, si cela t’amuse. »

Il se précipita sur le lit, enjambant l’écusson brodé, ravageant les dentelles des draps, détournant les rideaux. Ce ne fut qu’en atteignant la statue qu’il s’aperçut des dégâts qu’il faisait. Pour en finir plus vite, il tira la statuette par son arc, le bouquet de liseron s’enchevêtra autour, et, corps à corps, l’amour et lui roulèrent dans les courtines de satin.

— Nono, cria Renée d’une voix haletante, ôte-toi de là, je t’en supplie !