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nono

— Non, je te le jure !

— Je suis si laid, si bête ! Oh ! que vous avez été méchante ! »

Et il eut une amère expression. Il commençait à comprendre qu’il souffrait le martyre.

— Laid, toi ? Allons donc, tu es superbe ! Seulement tu l’ignores, et cela te rend très drôle quelquefois.

Nono trembla de rage.

— Encore ! fit-il, furieux de se prêter à une telle plaisanterie.

— Oh ! c’est trop d’enfantillage, s’exclama Renée. Tu vois bien que je t’aime à ne pas savoir ce que je te dis, le vois-tu, le sens-tu ? »

Elle appuya sa bouche sur sa tempe.

Nono la repoussa d’un geste affolé, et, perdant ses derniers respects :

Tais-toi, dit-il, tais-toi, ou je vais t’aimer aussi. »

Ce que Nono ne pouvait pas savoir, c’est que c’était fait depuis longtemps.

Renée plongea son regard dans le sien. Elle avait les prunelles assombries par une douleur intense.

— J’espère que nous nous trompons, car tu souffrirais !

— Je vous assure que je ne souffre pas, répondit Nono, s’imprégnant de verveine sans se plaindre maintenant.

— Ah ! vraiment ! murmura-t-elle avec un sourire triste.