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— Moi, je ne sais pas ! » répondit-il d’une voix boudeuse, après un examen très superficiel.

C’était le mot de Bruno. Il ne savait jamais.

— Ah ! tu ne sais pas ? continua le général en allongeant démesurément sa longue vue, je m’en doutais… Tous les mêmes !

Bruno fit une nouvelle moue qui signifiait : Alors, il ne fallait rien me demander !

— Quel sacripant, cet architecte ! — reprit le général. — Elle a eu la main heureuse, ma chère fille, en choisissant ce gobe-sec. Son épure ne vaut rien, il ne peut pas diriger ses hommes, il ne trouve pas d’eau où il devrait en jaillir à toutes les minutes et quand il faut surmonter une difficulté, il reste court. Quel bon choix ! quel excellent choix ! »

Intérieurement satisfait de songer que l’on avait fait une bévue sans lui, il posa son instrument pour se tortiller la moustache.

— Vois-tu, Bruno, nous, militaires, nous n’y allons pas par quatre chemins !

— Oui, mon général, fit Bruno, convaincu.

— Ainsi pour un régiment d’infanterie, carré, ferme comme le rocher de là bas…, eh bien, je rallie mon monde, je pousse et j’écharpe… il en tombe ce qu’il peut ! Si la tactique me paraît mauvaise, je reviens à la charge par les flancs et je culbute d’un mouvement tournant. Ça se démolit toujours.

— Oui, mon général, mais…

— Mais quoi ? »

Bruno balbutia, regrettant son observation : — Ce-