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« Père Tranet, il y a de la soupe chez nous pour chacun son écuelle », ils font trop la part de la gloriole et ils chargent la fille de la commission afin d’éviter les réflexions méchantes. Je sais qu’un failli c’est ennuyeux à promener. Seulement, moi, je suis une victime, et je peux leur jurer que l’honneur nous reste… oh ! tout entier… Louise, tu as le droit de relever le front… quand tu es à mes côtés… Je vous expliquerai ça, mes amis… Rentrons, j’ai les jambes de coton !… Nous boirons du cassis du jour de l’an que maman Bartau fabrique si nature… du cassis, ça va nous remettre, nous en avons tous besoin pardieu !

Madame Bartau et son fils rentrèrent dans un état d’ahurissement complet. Louise se tordait les mains.

— Et quand on pense que ce pauvre homme croit leur faire plaisir ! songeait Marie, la servante. en nettoyant les petits verres à liqueur.

Dès que M. Tranet eut trempé ses lèvres dans le cassis, il voulut leur expliquer ça.

— Mon cher beau-père, dit alors Louis un peu agacé, nous ne vous demandons pas vos comptes. Vous avez cru bien faire, nous ne discuterons pas aujourd’hui. Notre maison est une maison respectable… elle a adopté votre enfant, mais il y a malentendu, elle n’adoptera plus personne… Le commerce de province, monsieur Tranet, va très doucement ; il se ralentit à la moindre secousse scandaleuse… une faillite…

— Sacré tonnerre ! rugit le bonhomme en lui coupant la parole, savez-vous que ce n’en est que plus beau, ce que vous avez fait pour