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annonce des tripotées de petits Bartau quand la lune de miel sera loin. Eh ! Eh ! je suis bête, hein ! je me fiche à pleurer comme un oison.

En effet, il pleurait, tapant tantôt sur le dos de Caroline, tantôt sur le ventre de Louis.

La maison Bartau venait de recevoir des planches à échantillons de la scierie mécanique, et la mère et le fils, aidés d’un ouvrier, mesuraient ce bois vert pour l’emmagasiner ensuite dans leurs greniers d’attente. Caroline feuilletait un registre, près du mûrier, accroupie, très grave, de l’air d’une poule qui pond de l’or. Louis, en bras de chemise, car il faisait chaud, remuait les bouts de volige, suivi du contremaître.

Lorsque le fiacre était entré sous la voûte, ils s’étaient tous frottés les paupières. Non, ils rêvaient ! Le père Tranet avec des caisses, des paquets, des couvertures de voyage !

Soixante-cinq, à huit francs le mètre carré… disait Caroline, puis elle leva les poings… Mais c’est ce failli de Tranet !…

Louis se retourna, lâchant sa planche :

— Elle est trop forte ! Lui, chez nous, pourquoi cela ?

Et ils s’étaient rappelé la fameuse dépêche envoyée par Louise.

Le cocher regardait les bourgeois, hochant le front. Certes, ce voyageur allait être bien reçu !

Tranet s’essuyait les joues. Il portait un pardessus d’hiver sur un pantalon de coutil blanc, un chapeau haut de forme râpé, une cravate rouge, flottante, des escarpins genre Biarritz, moitié peau jaune et moitié fleurs brodées en laines de nuances vives. La face, épanouie par l’attendrissement, était aussi rouge que sa cra-