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tau ne veut pas. Elle a peur de Paris pour notre bourse et elle aurait l’idée de nous suivre, si elle voulait !… alors…

À cette phrase, il se retourna comme effrayé. Louise lui pressa le bras.

— Oh ! ce serait fort ! — Et elle eut une colère soudaine de pensionnaire échappée de son couvent :

— Nous suivre ? Est-ce que nous ne sommes pas assez grands pour marcher tout seuls ? Voici un an que nous sommes mariés. On sait son monde, je pense ! Tiens, Louis, tu es ridicule ! Tu la crains comme le feu. Vraiment, tu me fais pitié. À ta place, je prendrais le dessus, une fois pour toutes, et nous irions camper ailleurs. On mangerait à son aise. On sortirait le soir. On s’habillerait selon son goût. Ah ! quelle vie ! et nous resterions deux, rien que nous deux !

Ils étaient arrivés dans la rue de la Poste, une rue mal pavée, sombre, avec une rigole au milieu, des trottoirs boueux de chaque côté. La petite ville semblait morte. À part une chatte mendiante, qui longeait l’infect ruisseau pour chercher des croûtons de pain, aucun habitant ne se montrait. À ce coin d’Amboise, le ciel semblait complètement fermé. Les murs du château s’élançaient jusqu’au-dessus des toits, et une ombre éternelle enveloppait les maisons.

Sur le seuil de la porte, Louis s’arrêta :

— Il faut que je demande mon courrier. Maman a peut-être écrit.

Il entra, pendant que Louise se baissait pour caresser la chatte, une bête vilaine, aux oreilles pelées.