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gnait ? Au contraire. Elle n’attendait qu’une bonne heure de quiétude pour s’élancer vers son mari. Alors, si on lui pardonnait son exclamation « je pense à un autre ! » une pure gaminerie, du reste !… De son côté, Caroline énumérait tous les déboires de ce coup de vent de Tranet. Voilà un homme qui en avait trituré des affaires véreuses ! Le mauvais drôle ! Au lieu d’épouser une sorte de Mme Bartau bien chaste et sachant toujours compter.

Brusquement, Louise se leva et rompant le silence de leur sombre salle à manger :

— Madame, dit-elle en retenant ses larmes, je crois que cela ne peut pas durer. Je veux retourner avec mon pauvre papa. Je gêne tout le monde, ici, et je ne suis qu’une bouche inutile, je le comprends. Vous ne me reprocherez plus le pain que je mange et les robes que Louis m’a données, je les laisserai dans ma chambre en partant. Mais n’essayez pas de m’enfermer, je sens que je serais capable de passer par les fenêtres. J’ai mis une dépêche au télégraphe avant le déjeuner pour lui dire de venir me chercher. Jamais mon père ne m’a rien refusé. Il viendra et je lui proposerai de remplacer sa demoiselle de caisse puisque je sais diriger des grands livres, grâce à vos conseils. J’ai toujours vu de l’argent chez papa. Il y en aura bien sûr pour moi comme pour lui. Laissez-moi m’en aller.

Elle acheva dans un sanglot.

Caroline pinçait la bouche avec un mauvais sourire.

Louis contemplait tristement la jeune femme qui se cachait la figure sous sa serviette.

— Ton père, déclara-t-il enfin, prenant un