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Tranet était bien française, demeurèrent intacts au marchand de gin, qui pria leur fabricant d’aller trafiquer chez des gens moins scrupuleux que lui en matière d’honneur. La femme, elle, ajouta un trait malicieux : elle déclara que Tranet lui avait fait la cour ! Tranet s’arracha beaucoup de mèches en cette pénible occurrence, puis il rentra en France, dégoûté des petits tonneaux de luxe. Pourtant il risqua des signatures au sujet d’un merveilleux projet de ciel de lit lumineux. Il s’agissait d’éclairer d’une lueur douce un transparent de soie bleue ou rose placé au milieu d’un ciel de lit ordinaire. Il lança la chose chez une cocotte du meilleur monde. Naturellement, il lui fit cadeau du transparent, et de méchantes langues, dans son atelier, dirent qu’il avait jugé lui-même de l’effet par une belle nuit de printemps. Il est dommage que les idées neuves ne reçoivent pas tout de suite leur entier perfectionnement. Le ciel de lit, qui s’annonçait comme un luxe désormais indispensable, mal joint au plafond de la cocotte, dégringola sur elle… et sur un autre ; il y eut inondation d’huile, feu aux rideaux, attaque de nerfs, cris, jurements, émeute des locataires et descente de police.

Tranet, ainsi que tous les innovateurs, succomba sous le poids du ciel de lit manqué. La cocotte se refusa à lancer une machine perturbatrice. Elle faillit même compromettre le brevet par un procès scandaleux. M. Tranet dut s’asseoir économiquement sur ses dernières chaises de paille… et ce fut lors de cette juste pénitence que le jeune Bartau, de la maison Bartau (douves en chêne), de Tours, vint à