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teuse de café-concert. Première débâcle. Mais c’était un homme de ressource, M. Tranet, il réagit par le tonneau de luxe ! Une bien belle invention, du reste. Il avait remarqué que les marchands de vins décorent volontiers leurs officines de tonneaux en bois ciré, cerclés de cuivre. Il inventa le tonneau de palissandre, le tonneau en bois de rose, et les cercles dorés, argentés ; il en envoya à toutes les expositions. Le tonneau de luxe, quoique assez agréable à fabriquer, présentait cependant un désavantage, c’est qu’il revenait très cher et ne laissait qu’un modique bénéfice. Deuxième débâcle. Alors M. Tranet se maria. Négligeant les beautés du pays natal, il épousa une demoiselle entre le ziste et le zeste, ayant peut-être fait beaucoup parler d’elle dans un certain arrondissement de Paris, mais fort inconnue dans tous les autres. Une poupée pleine de gracieux dehors, un peu pâlote, gazouillant comme une serine. Elle lui donna, l’année suivante, une petite fille et une grosse ambition. M. Tranet eut le désir ardent de se faire décorer pour le tonneau de luxe ! Il s’associa avec un commis-voyageur ; au bout de quelque temps, le tonneau de luxe était enfoncé, mais la jeune femme avait sans doute imaginé une nouvelle industrie, car, partie avec le commis-voyageur pour l’Espagne, elle y demeura cinq ans. M. Tranet gardait sa fille, en fermant les yeux. Quand on veut attraper le ruban, il ne faut pas s’agiter à travers un scandale ridicule. Mme Tranet revint, ayant mangé tous les tonneaux expédiés, plus le commis-voyageur qu’on ne retrouva jamais. Troisième débâcle. M. Tranet avait un cœur d’or, il pardonna.