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qu’elle méritait, expliquait-elle naïvement, puisqu’elle n’était pas coupable, et demandait, en cas de refus, à retourner chez son père, ne voilant pas s’étioler dans une douloureuse solitude.

Mme Bartau se présenta comme il lisait, les joues en feu, l’épître de la petite amoureuse trop privée de caresses. La mère avait l’aspect fort maussade, elle lui tendit encore une lettre ; c’était la journée des missives importantes.

— Tiens ! du papa Tranet, il se décide à nous répondre. Et ses affaires marchent-elles mieux ? dit Louis dépliant le papier.

Caroline haussa les épaules.

— Je lui en souhaite, des affaires ! il est dans la marmelade jusqu’aux oreilles ! Mais il a voulu épouser une Parisienne, celui-là aussi.

— Comment ?

Louis parcourut, très inquiet, la lettre en question. Le père Tranet racontait, dans un langage plein de fougue, une faillite extraordinaire qui le conduirait à la Morgue, prétendait-il, s’il ne réduisait pas ses ennemis à néant. M. Tranet voyait toujours les choses d’une façon tragique. Un bon homme, au fond, mais tout en coup de vent, selon l’expression de Caroline. Sorti des ateliers d’un tonnelier de Tours, il avait voulu, avec un petit magot, entreprendre un commerce colossal : des chaises de paille au meilleur marché possible, élégantes, unissant la légèreté à la solidité, et il avait ouvert, rue Saint-Maur, un vaste magasin. Malheureusement le père Tranet aimait le cotillon, il n’eut pas plutôt assis son commerce sur des chaises qu’il prit feu pour une chan-