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bras de son fils, orgueilleusement, comme un être à jamais reconquis. Ils se dirent des insignifiances, évitant devant elle de sembler tristes. Louise avoua que la Touraine était un beau pays et que l’hiver tarderait cette année là ; Louis déclara que les bois durs rendaient davantage tandis que les planches à bâtir s’écoulaient moins vite. On retrouva les tas de copeaux, mais ni le jeune homme ni la jeune femme n’eurent le désir de se rouler dessus. Les ouvriers risquèrent quelques plaisanteries qu’on arrêta tout de suite par des regards sévères ; et quand on revint rue de l’Intendance, on était plus raide qu’au départ, on ne pensa même pas à saluer M. Chinard debout au seuil de sa charcuterie. Un dimanche, Louise eut une idée sublime, elle était si tourmentée et si nerveuse qu’elle finissait son fauteuil dans un gâchis effroyable. Elle faisait des fleurs vertes et des feuilles bleues comme hantée par la robe solennelle de sa belle-mère ; lâchant son aiguille, elle saisit une plume et écrivit à son mari. C’était jouer un jeu terrible, elle savait que maman Bartau décachetait toutes les lettres, mais elle s’était assuré le dévouement de leur vieille bonne.

Marie remit la lettre à son jeune maître avec des signes d’intelligences dignes d’une soubrette romantique.

— Ah ! mon Dieu ! s’écria celui-ci, elle lui a écrit à l’autre ?

Il ne fût qu’à demi rassuré lorsqu’il lut la suscription : Pour Louis Bartau ; et, le cœur bouleversé, il s’enferma dans son bureau.

Durant cinq ou six pages, la mignonne épanchait son désespoir, implorait un pardon