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l’amant à la place du mari, mais il se dégagea vivement.

— Non, non. Il ne faut pas m’ensorceler… je vois clair… tu me trompes… c’est un autre que tu crois embrasser.

Alors, comme épouvanté de ce qu’il avait crié, il se sauva, refermant la porte, et descendit dans la cour. Sous le gros mûrier, il s’affaissa en pleurant à chaudes larmes.

— Maintenant, balbutiait-il, je ne la gêne plus, elle peut, tout à son aise, penser à l’autre…

À partir de cette nuit funeste on ne reparla guère de reprendre l’existence commune, si douce en son humble médiocrité d’amour. Louise n’osa jamais revenir sur la phrase malencontreuse qu’elle avait prononcée, et Louis abandonna tous les projets de réconciliation pour aller s’étourdir au café. Grave changement dans ses habitudes. Il ne sortait ordinairement que les jours fériés, histoire d’échanger quelques idées politiques entre gens du même monde. Le lendemain de la scène fatale, il partit dès la fin du déjeuner.

— Où vas-tu ? demanda impérieusement maman Bartau, oui flairait un complot.

— À mes affaires ! répondit le jeune homme en tortillant d’un geste nerveux sa serviette.

— Tu ne lis pas le Phare ?

— Non …j’en ai assez du Phare, c’est un modéré, il se répète toujours, ce journal, et j’aime le changement, moi.

Il prit son chapeau, arrangea son nœud de cravate et partit.

— Mon Dieu ! soupira la pauvre Louise, qui avait envie de se jeter à son cou.