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l’avait déjà trompé. Quand ? Comment ? Pour qui ? Et il marchait plus vite, les yeux brûlants, les poings fermés. C’était un plancher solide manquant tout d’un coup sous ses pas. C’était Je plafond s’écroulant, le vieux mûrier qu’on déracinait devant lui, la maison Bartau déposant son bilan, une maladie, un cauchemar…

Et elle le regardait arpenter sa chambre, toute grelottante à présent d’une peur atroce, car elle ne reconnaissait plus son Louis dans ce fiévreux tournant sur lui-même en un délire navrant.

— Je voulais plaisanter ! dit-elle au bout d’un quart d’heure d’anxiété.

— Plaisanter ? hurla-t-il, et il vint droit à son lit, s’arrêta, les prunelles comme deux braises. Ah ! vous vouliez plaisanter ! Est-ce que je ne le sens pas depuis longtemps, ce malheur que vous me réserviez pour me punir de ma sottise ? Est-ce que vous ne deviez pas me tromper parce que je dormais loin de vous ? Non, rien ne m’étonne… Seulement, je saurai son nom ; vous allez me le dire, Louise, tout de suite !

Elle se mit à genoux dans ses draps.

— Louis, je te jure… tu es fou… je n’ai jamais aimé que toi !

Il lui saisit les poignets, la secoua :

— Son nom ? Il faut me dire son nom… C’est un Parisien, n’est-ce pas ! Peut-être un officier. Il y en a ici qui ne font rien, et, naturellement, ils débauchent les femmes… Peut-être c’est un amour qui date d’avant notre mariage, un client du père Tranet ? Répondez donc !… Je m’en doutais, voyez-vous, et, d’ailleurs, je vous aimais trop… je viens de le comprendre ; quand vous m’avez dit : Je pense à un autre, tout a