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chambre, comme une étrangère à la maison… Tiens, je te défends de me regarder !

Et il la poussa brusquement vers la porte de la salle à manger, craignant encore la douceur si puissante de son regard bleu.

— Êtes-vous contente, ma mère ? demanda-t-il, lorsque Louise, toute chancelante, eut gagné l’entrée de la maison.

— Oui, tu as été brave, grommela Mme Bartau, mais parce que j’étais là, heureusement. Tâche de ne pas faiblir ; au bout de huit jours de ce régime, je te jure qu’elle s’amendera et ne songera plus aux parties de plaisir, ta demoiselle Tranet.

Dans la salle à manger, Louise trouva leur servante Marie, une vieille créature compatissante et laide, un genre de souffre-douleurs bon à tout, qui coulait des lessives avec l’eau de pluie recommandée par son irascible maîtresse, ne se plaignant ni de l’odeur écœurante de cette eau, ni de la lourdeur des baquets qu’elle remuait à elle toute seule malgré son âge.

— Du courage, murmura la bonne, vous serez mieux couchée… n’est-ce pas ? De ce temps d’orage, on n’est pas tranquille quand on est deux, et puis ça ne durera guère. Monsieur vous aime, je le sais, moi, je l’ai vu pleurer hier soir en rentrant pour lui faire sa couverture.

Louise ne répondit rien, elle monta dans sa chambre, une petite pièce toute nue, passée à la chaux. Il y avait un lit de fer, une chaise de paille, la statue de la Vierge ornée d’une couronne d’antique oranger très piqué des mouches ; la fenêtre, sans grands rideaux, s’ouvrait sur l’arbre, ce mûrier en cage, dont l’aspect ré-