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livres dans l’atmosphère verdâtre de ce mûrier qui pouvait ainsi croître sans soleil. Les Bartau, cependant, aimaient jusqu’à l’idolâtrie ce coin obscur, leur berceau ou leur tombe. Louis prétendait qu’il s’y portait toujours bien, l’odeur des bois neufs assainissant les caves. Mme Bartau, elle, ne comprenait même pas qu’on eût besoin de croisées, car cela tient une place énorme dans les grosses murailles.

Le matin de leur retour d’Amboise, Caroline et sa belle-fille, venues en fiacre de la gare pour éviter un scandale chez le charcutier, se tinrent debout près du mûrier, attendant Louis qui était probablement aux magasins. On y voyait à peine ; une vague odeur de moisi régnait dans les coins, et des baquets, couverts d’une mousse un peu sinistre, placés sous les gargouilles, contenaient une eau de pluie donnant des émanations regrettables. Jamais Louise n’avait mieux senti qu’à ce moment du retour le besoin de respirer une bonne brise campagnarde, de boire un bon soleil sincèrement chaud. Elle baissait le front comme une coupable et tourmentait le manche de son ombrelle, tandis que Caroline, campée dans une attitude batailleuse, faisait cliqueter tous les petits objets d’acier suspendus à la chaîne fabuleuse de sa montre. Enfin il arriva, ce mari, qu’on espérait plus indulgent parce qu’il s’était passé de sa femme toute une cruelle nuit. Louise fit un pas avec une exclamation de repentir, Louis la regarda très fièrement.

— Madame ? dit-il, ayant l’air de ne pas la reconnaître.

Tout ce qu’elle préparait depuis Amboise pour lui raconter bien vite ses remords, ses