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— Madame !… voulut objecter l’aubergiste qui, sans la crainte de la police, aurait volontiers boxé dans la robe verte.

— Vous ! silence, ou je vais chercher le préfet ! hurla Mme Bartau dont le chapeau se dressa tout d’un coup pour laisser voir une face cramoisie, des yeux gris d’acier, un nez retroussé et un menton poilu. Silence, entremetteuse, voleuse, gourgandine, directrice de maison mal famée !… Oui, je le connais, le préfet, et j’irai lui parler de vos affaires, moi. Caroline Bartau. Je suis. Dieu merci, honorablement réputée sur la place de Tours ; j’ai mené le commerce de bois des environs, vous m’entendez, levée dès patron-minette pour surveiller les ouvriers… et les acheteurs savaient, à l’époque, qu’il ne fallait pas me tromper d’un liard, ni d’une planche… Oui, de quoi vous mêlez-vous, vieille pie borgne ? Vous détournez les femmes mariées de leur devoir, paraît-il ! Ne mentez pas !… mon fils me l’a dit, lui. C’est du propre ! Vous n’aurez pas un sou. Il ferait beau me voir solder les notes d’hôtel de Mlle Tranet, qui n’avait pas une chemise, quand elle s’est mariée avec mon pauvre fils, une victime !… Partons-nous ?… Et cet imbécile oui me disait de ne pas me fâcher parce que Mlle Tranet était peut-être enceinte !… Une envie, cette escapade ! je t’en ficherai des envies pareilles ! Elle avait peut-être peur qu’il eût une auberge sur le nez, hein ?…

Louise, très pâle, ne répondait plus. Elle monta dans la charrette du laitier. Celui-ci pliait le cou.

— Une maîtresse bourgeoise ! fit-il avec admiration.