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— Faudrait pas ameuter les gens, tout de même ! déclara-t-elle, narquoise.

Mais avant qu’elle eût terminé sa phrase ; elle recevait une poussée formidable, et maman Bartau faisait irruption chez elle comme la Loire en courroux, il y avait de cela quelques années.

— Où est cette malheureuse ? rugit-elle.

— Me voici, maman ! soupira Louise, arrivant, son petit sac à la main.

— Ah ! vous êtes là, mademoiselle Tranet, car vous ne pouvez pas porter notre nom, je pense, après votre esclandre ! Elle est jolie, votre conduite, créature sans pudeur ! Découcher et dans la rase campagne, à la merci des rôdeurs et des vignerons saouls ! Découcher à trente lieues de son mari dans une bourgade inconnue ! Il voulait revenir, mais je l’ai bien vite remis à sa place ! Est-ce qu’on court après une femme comme vous, une pareille chipie ? Je vais écrire à votre père ; il sera content, M. Tranet. D’ailleurs c’est de sa faute, il a voulu épouser une folle et elle lui a donné une dévergondée pour héritière… Vous ne vous rappelez donc jamais à propos, mademoiselle Tranet, que vous n’aviez pas un châle dans votre corbeille de noce et pas un sou dans votre bourse, quand vous êtes entrée chez moi ? Mon fils a voulu se faire périr pour avoir mon consentement ; je l’ai bien prévenu qu’il serait puni. À présent sa femme découche et nous allons être la risée de notre quartier, quoi ! Allons, en route, refilons, nous n’avons qu’un quart d’heure à dépenser sur le chemin… cela fera dix francs cinquante centimes de lancés à la mer pour vos caprices honteux.