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choux et les laitues, voilà un nigaud qui vous plante au sein d’un site sauvage, sous prétexte de revoir l’état de son usine, qui fuit une adorable créature parce qu’elle a envie, une envie légitime de plein air, de demeurer une heure de plus chez une aubergiste où l’on mange des soupes à l’oseille divines, qui s’en va sans la saluer au coin de la route et qui n’est pas même un tantinet jaloux ! Je vous le dis, l’amour est mort depuis la mort des Titans, cordieu !

Louise s’affaissa sur la cage du lapin : elle contemplait le ciel.

— Alors, vous croyez que c’est de sa faute ?

— Si vous le permettez, oui ! Dans un an, vous aurez divorcé.

— Ça ne peut pas se faire en province, monsieur.

— Petite sotte, les lois sont les mêmes partout.

— Je l’aimerai malgré une séparation éternelle ! déclara Louise, qui se surprenait à être lyrique, le soir.

— Sublime naïveté !

Il se coucha aux pieds de Louise, ce qui le mettait de niveau avec le lapin.

— Ah çà ! madame, quel jeu jouons-nous ? dit-il, les dents serrées. Êtes-vous la pudeur rare, la beauté gracieusement gauche, la passion contenue, la perfection, enfin, que je cherche depuis tantôt dix ans sans espoir de la découvrir ? Êtes-vous mon idéal féminin ou une petite rouée travestie en petite niaise ? Est-ce le décor qui vous va ou vous qui illuminez le décor ? M’avez-vous deviné, vous, la Parisienne, ou est-ce moi, le Parisien, qui suis la dupe ? Je veux bien être amoureux, mais sans y risquer