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vous fâcher ! interjeta la paysanne qui arrivait, trouvant que la discussion s’éternisait.

— Madame est nerveuse ! murmura Louis embarrassé.

— Il veut me ramener chez ma belle-mère, ajouta Louise, supposant que cette phrase expliquait tout.

— Pchoutt ! fit la vieille aubergiste, en voilà un petit homme facile à déplanter ! Alors, vous êtes mariés ? Quelle surprise ! j’aurais jamais cru ça, rapport que je n’avais guère dormi derrière la cloison ! — Elle ponctua son mot par une tape sur l’épaule du jeune homme. Louis bougonna.

— Mais, sacrebleu ! nous sommes obligés de partir… le déjeuner, c’est convenu… seulement vers quatre heures…

— Ta ! ta ! ta ! pour une nuitée de plus, on ne sera pas mort ! Vous enverrez une dépêche comme quoi l’orage a tout cassé dans le pays et que la robe à Madame n’est pas sec… Une idée… je porterai la dépêche… ce sera vingt sous pour passer les ponts.

— J’achèterai les poires, je chercherai le fromage ! renchérit Louise, joignant les mains.

— Non ! formula Louis en se détournant, rouge comme un coq.

— Je veux ! je te supplie ! cria-t-elle, exaspérée.

Louis se vit sur le bord d’un abîme. Il y a des catéchismes provinciaux à l’usage des jeunes époux, qui se conservent de famille en famille (comme les scieries mécaniques), et ils y apprennent, dès le bas âge, que la femme doit être dirigée par le mari, sans que le contraire soit permis, ne fût-ce qu’une seconde.