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qui grisaient positivement. Il avait eu un peu la même ivresse le matin de ses noces ; mais, dès qu’il avait ouvert le livre des correspondances, une fois devant son bureau, il avait vu tout de suite fort clair : une mâtine de petite fille qu’on mènerait si on pouvait l’empêcher de vous embrasser ; et, par ce calcul entêté de tout jeune homme de province qui dédaigne la femme, au fond, quand elle n’est pas encore mère, il s’était appliqué à fuir ses caresses le plus possible. Pourtant, il convenait, ce jour-là, que la tâche devenait bien rude. Elle le tenait dans ses petites pattes, toujours saturées d’une inexplicable odeur de fruit, car, il l’avait remarqué, vraiment, elle embaumait la fraise ! Certes, il aurait fait doux de demeurer rien que des amoureux sans penser à l’avenir. Mais… mais la plus intime raison qu’il se donnait pour lutter, dans les dessous de son être, si peu pervers, c’est que… il y a des actes impossibles à recommencer tout le temps, après tout… La nature, les lois, la morale, les honnêtes gens, réprouveraient deux effrontés personnages qui… et il n’était pas assez vicieux ensuite pour s’amuser à un acte, toujours le même, n’est-ce pas ?

— Louise, déclara-t-il avec une soudaine fermeté, assez de folies ! Tu es trop nerveuse et maman dit que tu devrais voir le médecin à cause de ça ; je suis de son avis. Nous irons à la gare vers quatre heures… Arrange-toi.

— Eh bien ! je resterai ici toute seule. — Hein ?

Ils se regardaient en face avec des expressions de défi.

— M’sieur et la dame sont servis, faut pas