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— Je suis de Paris et je crois qu’on peut dire à son mari ce qu’on imagine !

— Une belle imagination : un monsieur de soixante-cinq printemps et une dame de quarante-quatre hivers !

— Crois-tu donc que nous ne nous aimerons pas à cet âge-là, nous ?

Il fut inquiet de la voir revenir aux fleurettes.

— Si nous allions déjeuner, hein ? moi j’ai faim, tu sais !

— Oui, les hommes ont toujours faim. Quant ils ont la bouche pleine ils n’ont pas à vous répondre.

— Louise !

— Tu ne m’aimes plus !

— Mais, Louise…

— Dans l’escalier du château, ce n’était pas la même chanson.

— Ça, j’ai eu tort…

Louise s’arrêta net. Elle devint furieuse. Tort ! Il avait eu tort d’aimer sa femme… n’importe où ! Que les hommes sont donc stupides, les lendemains d’orage ! Est-ce qu’il allait lui faire des excuses, aussi ? Elle était tentée de lui expliquer que les ménages parisiens avaient la louable habitude de fonctionner comme cela, au milieu des cataclysmes et des escaliers sombres.

Paris, c’était son arme favorite ; elle ne savait même pas le nom de ses principales rues, puisqu’elle avait quitté le couvent un mois avant de se marier. Pourtant, elle portait en elle comme l’abrégé de toutes ses merveilles, de tous ses amours. Les provinciales sont filles d’Ève, les Parisiennes sont filles du Serpent.