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II

Sérénité des cieux, abaissez-vous sur la terre, et que la rosée, transparence bénie, larmes des anges, sème des illusions sur les monceaux de boue ! Bien loin, bien loin a fui l’orage de la veille emportant ses nuées, déchirées comme les lambeaux d’un étendard vaincu.

Salut à toi, Touraine, beau jardin des rois de France, le soleil revient et t’admire. Il est fou, l’amoureux Candaule, de te voir si radieusement étaler les parures qu’il te donna, lors des fiançailles ! Les bois s’agitent comme des berceaux branlants au fond desquels vagissent les nouveau-nés. Les plaines bruissent, remplies des bonheurs de l’oiseau et la rivière-torrent va féconder des villes en charriant des fleurs, tandis que ses sables, plus perfides que ses ondes, recouvrent, en leurs plis moirés, des coins d’histoire ténébreux, squelettes huguenots, sceptres brisés… Mais la fête de ce matin automnal ne saurait se remettre : laisse dormir les morts, Nature, laisse pleurer les vivants ! car toujours le matin, joyeux, éveillera les roses et fera chanter les alouettes.