Page:Rachilde - Madame Adonis, 1929.djvu/231

Cette page n’a pas encore été corrigée

démon expert en l’art de l’amour et de l’oubli. Pourquoi monterait-il ? Un instant il crut qu’il allait plaisanter. Chacun prenait des distractions dans ce ménage… le vent de la luxure soufflait pour le mari et pour la femme et ils ne pouvaient pas se plaindre tous les deux. On s’amusait. Les extases idiotes de l’honnête tendresse conjugale avaient fait place aux débauches savantes, ils étaient dans les écoles de Satan, ils ne renonceraient ni à ses pompes ni à ses œuvres.

Et il eut un rire sourd, un rire de possédé.

— Tiens, je vais divorcer, nous divorcerons, parbleu ! je garderai ma maîtresse, elle gardera son amant. À quoi bon se lamenter ? Je mérite un peu ce qui m’arrive…

Il s’assit sur un banc, tournant le dos à la terrasse. Pourtant il lui était difficile de s’habituer à cette pensée formidable. Elle le trompait ! Il en aurait peut-être pris son parti plus vite autrefois, mais aujourd’hui il était comme un aveugle à qui on rend brusquement la lumière, toutes les sciences du mal apprises lui faisaient plus douloureuse cette certitude. S’il essayait de se moquer de ses angoisses, les angoisses résistaient aux plaisanteries. Il étouffait ; sa gorge se serrait comme lorsqu’on manque de salive. Oh ! la misérable femme qui lui criait sa honte, espérant le ramener plus souple, plus esclave après l’avoir forcé à rougir. Non, ce n’était pas possible ! Il monterait, il verrait cette chose-là : comment c’était-il donc fait, un adultère ?…

En deux bonds il grimpa jusqu’aux saillies des pierres et atteignit la balustrade. L’écœurante punition que cette seconde ascension