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M. Carini adressa un signe d’intelligence au jeune ménage.

— Elle est un brin folle, vous savez ! dit-il.

— Parbleu ! soupira Louis, je m’en doute ! C’est scandaleux pour la République de faire tenir ses propriétés par des…

— Tais-toi donc, bégaya Louise, si on le lui répétait, elle nous écorcherait davantage.

Carini, le sculpteur, avait une trentaine d’années il était fort mince, très élancé, très brun, avec un nez trop grand, des yeux tout clignotants, par cette habitude qu’ont quelques travailleurs sur pierre, de se défier des éclats, et il possédait un teint bistré lui donnant une certaine expression italienne, à la rigueur.

— Un bohémien ! déclara Louis entre ses dents.

— Non un bohème ! rectifia la jeune femme plus au courant des choses artistiques.

— Il n’y a pas de différence ! bougonna Louis, lequel voyait toujours un artiste, voleur, de mœurs suspectes et graissant ses bottes avec des couennes de lard, ou, à défaut, avec l’huile qu’il économisait sur les sardines de son déjeuner.

— Il faut vous dire, Madame et Monsieur, continua le sculpteur en s’approchant de l’embrasure d’une croisée qu’il fleurdelisait depuis le matin, que la plus drôle des curiosités de l’endroit est encore cette bonne vieille femme-là ! Elle est amoureuse du comte de Paris aussi vrai que je m’appelle Carini tout court. Elle est demeurée pucelle pour ne pas s’exposer à s’emballer pour un républicain. Elle est riche et sa mère a servi la famille