Page:Rachilde - Madame Adonis, 1929.djvu/110

Cette page n’a pas encore été corrigée

— Combien m’achèterais-tu si j’étais à vendre ?

— Vilaine ! est-ce qu’on parle ainsi à son mari ?

— Combien ? répéta-t-elle, saisie d’une angoisse atroce, car elle sentait qu’elle aurait ensuite le dégoût d’elle-même.

— Louise !

— Ne me gronde pas, la solitude de ce grand mois passé sans ton cœur près du mien m’a rendue un peu folle et j’ai des idées qui m’étonnent souvent… j’ai ce soir, le caprice de me vendre à mon mari et je ne lui céderai pas sans être payée.

— Si le docteur Rampon t’entendait ! oh ! ma Louisette… tu es effrayante.

— Combien ?

Et elle arrondit ses bras blancs au-dessus de sa chevelure, se cambrant dans sa robe de nuit brodée, très chaste encore, mais si désirable qu’un nuage de sang monta aux prunelles du jeune homme.

— Ce que tu voudras ! balbutia-t-il, affolé.

— Cent francs !

— Et tu exiges que j’aille les chercher à la caisse… maintenant ?

— Oui c’est de jeu… sinon… rien, pas de petite femme !

— Grâce… Louise… tu abuses de toutes les faiblesses. Mon ange ! Pauvre petit ange qui ne joue qu’avec des flammes… tu te brûleras un jour et tu pleureras…

Il l’embrassait sobrement, craignant la demande d’un bijou, d’une toilette, ou l’aveu d’une dette ténébreuse, lorsqu’il s’aperçut que ses paupières étaient humides.