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très ronde, mon grand, soupira Paul s’accoudant au bureau de son aîné. Une somme que mes petits calculs de poète arrondissent tous les jours.

Jorgon entra. Un instant, il couva les deux frères de son morne regard affectueux, puis prépara la flambée.

— Énonce ton chiffre, dit Reutler très calme.

— Attends ! Il y a des détails… seulement, ta glace fond…

Reutler la lança dans un seau, s’essuya les mains, remit de l’ordre autour de lui et fit signe à Jorgon d’emporter les restes de l’opération. Paul poussa le canapé pompadour devant la cheminée.

— Je vais lui confier un rôle que j’ai écrit, naturellement. Ma pièce ne vaut pas mieux et je ne tiens pas à la signer, mais je tiens à ce qu’on la représente. Risquer un refus de la part du directeur des Folies-Nouvelles me donnerait des nerfs, et de plus je me verrais menacé d’un éternel amour ! Alors, je pense qu’il n’y a qu’à offrir la forte somme au directeur en question. Remarque, mon grand, qu’il s’agit d’une féerie sans ballet. L’ablation du ballet, c’est une grosse économie — Jane est jalouse et ne me permet pas les danseuses… — Combien crois-tu que ça puisse coûter, une féerie sans ballet ?

— Raconte un peu ta féerie.

— Ça s’intitule : Pygmalionne, et ça se passe au moyen âge, car Jane ne voit pas d’époque plus poétique : elle a si mal étudié son histoire de France !… Une damoiselle très pure… oh ! pure à faire vomir le diable, s’éprend, malgré elle, du seul homme qu’elle ait jamais aperçu, et encore cet