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— Quand j’aurai un métier, que je pourrai vivre du fruit de mon travail, comme avant, disait Jane d’une voix fébrile, tu me respecteras. Tu songeras que, si je l’avais voulu, j’eusse été digne de porter ton nom. Et puis, je ne serai plus ton chien, ta chose, l’objet que tu viens prendre en passant, je vivrai enfin de ma vie à moi, et cette femme n’aura pas le droit de prétendre que je n’ai fait que changer de maître !…

Cela continuait, sur ce mode mineur, pendant de longues après-midi, et se terminait, généralement, par une crise de nerfs, assez semblable aux crises de nerfs de Mme de Crossac, quoique moins violente.

On dépliait donc des étoffés, dans le nid des amoureux, et on choisissait le costume du début, mais ce n’était qu’une suspension d’armes, les deux jeunes gens s’observaient, de l’hostilité plein les prunelles.

— Enfin ! il faudrait se décider, murmura Paul repris d’un accès de mauvaise humeur.

Jane était vêtue d’un léger peignoir de dentelles, sans corset, sans dessous, comme en chemise et très petite fille malgré ce déshabillé de femme prête au plaisir. Elle conservait de gauches mouvements d’écolière voulant vivre et ne sachant de la vie que ce qu’elle en a lu dans les romans, son ancien métier de lectrice pour grande dame amoureuse lui remontant toujours au cerveau.

— Vois-tu, Paul, soupira-t-elle tristement, j’ai, aujourd’hui, l’idée que tu ne me laisserais pas entrer au théâtre, si tu m’aimais…

— Allons, bon ! je te fais un rôle, je t’invente