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agités de petits frissons, déroulèrent les papiers.

À l’aube de ce jour néfaste, en s’éveillant sous les ardentes caresses de Jane Monvel, Paul avait eu très peur, parce qu’il lui avait semblé qu’un vague fantôme se profilait sur les draperies soyeuses de la chambre d’amour ; il s’agissait seulement de sa grande pelisse d’astrakan, pendue à son chevet. Non ! Il n’y avait pas de fantôme. Tout est toujours naturel. D’ailleurs, la famille, pour lui, c’était son frère. En somme, au milieu de ces révélations, il n’était frappé que du mensonge de son frère.

Et voici que peu à peu ses yeux se gonflaient sous une nouvelle poussée des larmes. Ce qu’il tenait là, au bout de ses jolies mains libertines, c’était l’identité d’un homme très bon, qui, s’il ne l’avait jamais vu, passait, dans le souvenir de son aîné et du vieux Jorgon, pour un être d’élite.

— Ainsi, fit-il très bas, je suis réellement le second enfant du baron de Fertzen, officier d’état-major de l’empereur Guillaume. Il n’y a aucun doute.

Il se laissa tomber sur le canapé, feuilletant les papiers. Il examina un extrait mortuaire, bref et fauchant en trois lignes la vie de ce père mystérieux.

— Tué à l’ennemi, fût-il tout haut… à l’ennemi… c’est-à-dire par des Français, durant le combat de Villersexel ? Reutler, s’écria-il avec un involontaire mouvement d’horreur, et Madame de Crossac m’a dit que j’étais né le jour même de cette bataille, à Rocheuse, à quelques lieues de Villersexel !

— Si elle a dit cela, Madame de Crossac a dit la