Page:Rachilde - Les Hors nature, 1897.djvu/52

Cette page n’a pas encore été corrigée

venait de se relever pour saluer les frénétiques applaudissements habituels, et ce coup de sifflet solitaire, d’autant plus aigu, lui transperça le cœur. Elle hésita, resalua, s’approcha de la rampe, finit par apercevoir le siffleur, dominant l’assemblée de sa frêle stature de page en révolte.

— Monsieur de Fertzen, dit-elle les lèvres subitement retroussées, prêtes à mordre la chair vive, je reconnais bien là vos vrais sentiments patriotiques !

Paul ne lui permit pas de l’achever, cette fois.

— Madame, répondit-il avec une parfaite courtoisie, je ne siffle ni l’auteur ni l’actrice, mais seulement le costume qui est abominable et qui nous cache les plus ravissantes épaules du monde.

On crut qu’il s’agissait d’un numéro prévu. On réapplaudit. Les vieilles dames se pâmaient. Les hommes riaient. Il fallait bien tolérer quelques incartades au grand favori du jour. Cela ne durerait pas. L’enfant n’avait aucune pitié ; en tous les cas, il s’en sortait spirituellement. Quelle mouche avait donc piqué ce jeune étalon pour qu’il se mît à se cabrer de la sorte ? Le rideau tomba.

— Vous m’avez fait jubiler, vous ! dit le mari, serrant la main de Paul, pendant que sa femme s’évanouissait dans les coulisses. Je n’osais pas protester contre ce déguisement, parce qu’on m’accuse toujours de mauvais goût, mais je suis bien aise que quelqu’un soit de mon avis ! Bien aise !

Paul prit congé.

Dehors, les de Fertzen jugèrent inutile de demander leur voiture, partie depuis quelques minu-