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Jane recula, un peu confuse.

— Oh ! Monsieur Paul, quand vous seriez chinois est-ce que ça vous empêcherait d’être joli garçon ?

Paul parut réfléchir profondément à la justesse de cette observation et contempla la jeune fille.

— J’ai une idée : si je t’enlevais ?

Jane poussa un cri de frayeur joyeuse.

— Vous m’enlèveriez, vous ? Bien vrai, Monsieur de Fertzen ? Moi qui rêve de ça depuis que je suis toute petite !

— Oui, Janette, nous allons faire notre acte à notre tour. Donne vite de quoi écrire.

— Il est devenu fou ! songeait la jeune fille en présentant docilement plume et papier,

— Écoute un peu, reprit Paul, ce sera de plus en plus selon les us de son théâtre ! (Et il lut, en écrivant :) « Chère Madame, votre rivale : c’était Mademoiselle Jane Monvel qui ne s’en doutait guère… » — ni moi, ajouta le jeune homme souriant de côté — « … Je l’enlève, histoire de vous prouver que je suis Français, car un homme qui enlève une femme, c’est toujours un Français, vous l’avez victorieusement déclaré dans le tome cinq de vos œuvres complètes. Votre respectueux serviteur, Paul-Éric de Fertzen. » Là… posons cette missive en évidence, sous le buste du mari ! Toi, mets dans un petit sac tes choses précieuses et va m’attendre rue de Verneuil. Tu connais l’entresol ? Il est gentil, je te le donne. Nous aimons la lecture, tous les deux. Nous lirons dans le même livre… Excellente, mon idée, excellente ! (Il se planta anxieusement devant-elle :) Est-ce que ça se voit que j’ai pleuré ?