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III

Paul s’ébrouait comme un jeune cheval dont on cherche à entraver les pieds. Jane le suppliait de se calmer et il se roulait de plus belle, brisait les meubles, déchirait des tentures. Elle jugea qu’il fallait user des grands moyens ou on finirait par tout entendre. Elle le prit à plein bras, le baisa sur les oreilles pour mieux l’étourdir.

— Mon pauvre petit prince Charmant !

Il se redressa, un peu plus maître de ses nerfs, eut envie de pleurer et pleura, le front caché dans la robe de la jeune fille.

— Je suis bien malheureux, Jane, hoqueta-t-il, elle m’a traité de Prussien ! Comprends-tu ?

— La vilaine femme ! Après tout, ce n’est pas de votre faute.

Du moment qu’on n’ignorait pas ses nouveaux titres, il lui parut important de les proclamer :

— Eh ! Je m’en moque ! Je me pensais Français, voilà que je suis Allemand. Tant pis ! Me faire naturaliser, ça m’occupera. D’ailleurs, le premier qui m’insulte, après elle, je lui envoie mon épée dans la poitrine, c’est une affaire réglée. Sans me vanter, petite, j’en joue pas mal, moi, de l’épée, grâce à mon frère le Prussien… Dis donc ? Tu veux bien qu’on t’embrasse, maintenant ? Tu n’as pas horreur de l’ennemi ?