Page:Rachilde - Les Hors nature, 1897.djvu/45

Cette page n’a pas encore été corrigée

Les yeux de Madame de Crossac étincelèrent de fureur.

— Je te répète, Paul, que celui-là est ton mauvais génie.

— Nous allons nous séparer sur des gros mots ? Geneviève, entre gens bien élevés, ça ne se fait pas.

— Je mourrais de notre rupture, Paul.

— Mais non, tu exagères. Tu as écrit déjà quatorze drames, tu en écriras un quinzième. Je T’assure qu’un acte chasse l’autre dans la vie. Adieu, ma belle, et vos lèvres, sans rancune.

— Je dois recevoir un coup de feu à la fin de ma pièce, je ferai charger l’arme !…

— … Si tu y tiens, seulement, remets le costume grec, je te défends de mourir pour moi en cantinière.

À ce moment de leur dispute, on entendit, derrière la porte, la rumeur d’un long applaudissement. L’annonce de Mademoiselle Monvel produisait une détente ; aussi, sans doute, les coupes de champagne.

— Promets-moi de revenir à mes jeudis, au moins ?

— Non, ce serait trop douloureux pour nos nerfs, je préfère nous fuir de toutes mes forces.

Elle boutonna militairement sa tunique, posa sur sa hanche plantureuse un barillet cerclé de cuivre et se coiffa fièrement d’un képi galonné.

— Soit, Monsieur de Fertzen. Vous êtes un lâche ! s’exclama-t-elle d’une voix vibrante.

— Hélas ! chère Madame, soupira Paul se reculant de bonne grâce et reprenant, peu à peu, la tenue correcte de l’homme du monde que l’on prie